Dr. Feelgood

Concert du 16 août 1975 à Orange

© Rock & Folk
Merci à Daniel Rapina !

Fallait pas commencer

John Martyn est parti. Il a remballé lui- même son petit matériel (à savoir une chaise, un paquet de pédales et une guitare). Leloir espère réussir LA photo de Doctor Feelgood. Celle qu'on pourra accrocher dans le salon. Il me montre son dernier accessoire professionnel, une genouillère en plastique noir qui lui permet de mettre un genou en terre sans déchirer ses jeans. Et on y gagne en rapidité!

J'allais embrayer sur les genoux de sa fille, Marion, quand tout l'amphi se soulève et hurle de rage. Quoi ? Figurez-vous que l’organisation vient de se rendre compte de l'instabilité des centaines de types dont nous parlions tout à l'heure.

L’organisation, qui a jugé superflu d'interdire cette position avancée, où tous les freaks brothers se sont installés au cours de l'après-midi, se prend soudain d’élans napoléoniens, stratégiques et tout, se souvient qu’elle a encore des troupes toutes fraîches, à savoir des videurs encore inutilisés. Pas les Belges, pas les Angels, mais une troisième clique, façon loubards. Blousons, casques de moto et barres de fer. Le gang monte à |‘assaut de la colline pendant l’intermède, se fait recevoir à coups de cailloux (ce qui est de bonne guerre}. Pas de bol, un seul loulou, un tout petit en plus, restera coincé en haut, sur un muret, séparé de son gang par le gros des freaks rigolards. Il est là, tout con, barre de métal pendante, jusqu'à ce qu'un courageux le fasse choir de cinq mètres. Bon, le voilà dans la foule, sans son arme qu'i| a perdue lors de sa chute, et il ne lui reste qu'à redescendre au milieu des Iazzi. Les yeux brûlants de honte, il a enlevé son casque et figure-toi qu'on a tous vu alors qu'il avait une gueule de métèque. Comme je vous le dis, c'était un bougnoul ! La suite, c'est qu’aussitôt les durs, ceux qui savent ce que c'est que l'ordre et qui vont pas se laisser emmerder, surtout à 20 000 contre un, ont décidé de se défouler. Et le videur a disparu dans une masse de crevés qui voulaient sa peau. Et leurs gonzesses de les encourager ! Ah, les salopes !

Feelgood et le camp de la mort

Tiens, c'est Doctor Feelgood qui a bien compris cela. J'ai un ami qui travaille sur les ordinateurs Burroughs toutes les nuits de sa vie, et Feelgood est son groupe favori. "Parce que leurs visages et leur tenue de scène sont mécanisés, et robotisés. Feelgood, c'est la musique d'hier jouée par les pantins que nous serons demain." Et à coup sur, les Feelgood savent aussi en donner au public pour son présent.

Leur musique archi-simple a encore stupéfié la masse. Pas autant qu'eux. C'était leur plus grosse salle depuis qu'ils sont sortis du circuit des pubs. Il fallait voir Wilko Johnson regarder la foule, dans le crépuscule, la regarder hurler entre ses riffs déchiquetés. Wilko est un mathématicien génial qui réorganise les riffs du rock'n'roll dans sa tête et les ressort tout neufs réarrangés, à la demande de l’industrie du vinyle. Au début, c'est toujours tangeant. Le fan club de Tangerine Dream met un point d'honneur à rester assis, ils sont venus pour planer, vous savez ? Mais au fur et à mesure que Feelgood catapulte ses bombes, les grappes de danseurs s'élargissent. "She Does It Right" marque le milieu du show. C'est gagné, et "I’m A Man" sera le triomphe total. Bien sûr, Wilko chante cela lui-même, et avec l’œil de la défaite, parce qu'alors il réalise que ses compositions ne sont pas encore les égales de celles du vieux Chuck et du vieux Bo. Mais je sais qu’un jour il trouvera le secret, et alors... Alors Feelgood deviendra l’ordonnateur après avoir été le serviteur. Ce soir, ils seront carrément obscènes, "I’m a hog for you, baby ! I just can't get enough"... Voilà Lee qui sodomise la batterie, et Wilko qui lui met son manche de guitare dans une éjaculation de riffs. Encore ! Encore ! Mais ce n’est pas que cela, Feelgood.

Et Wilko jetait des coups d'œil brûlants à une petite rouquine qui s'accrochait à la palissade. Et Lee Brilleaux s’est aperçu, derrière sa serviette éponge, que la nuit était tombée.

Quand ils ont introduit "Riot ln Cell Block 9", ce fut l’enfer. Les projecteurs balayaient le public, et ces salauds avaient l'air de nous garder, schupos brandissant des guitares (mitraillettes), allez savoir ! Et le dernier espoir, ils l’ont clairement indiqué, c'était l’émeute ("Riot"), la danse ("Rollin" & Tumblin'"), la baise ("Roxette") et puis la fuite : la route 66 nous tendait les bras, et eux ne sont pas revenus après. Futés, les Feelgood ? Bien plus que cela. C'était la quatrième fois que je les voyais, depuis le premier janvier au Marques. Cette fois, aucun doute n'est resté pour personne. Nous tenons le groupe sanguin des seventies. "A motherfucking rock’n’roll band", comme disait Lee Brilleaux un petit peu plus tard à l’hôtel. Et entre Calais et Orange, ils avaient ramassé des autostoppeuses qui ne regrettèrent pas leur nuit.

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